Se mirer dans l'eau de la Garonne sur les quais de Bordeaux
Le déjà très célèbre miroir d’eau
Vous avez tous bien sûr compris qu’avec ce titre, je fais ainsi référence au miroir d’eau que j’ai à peine pu photographier tellement je regardais ceux qui étaient là à le regarder pour voir leurs réactions. Disons le tout net. Il a vraiment plu, tellement attiré que tous se sont arrêtés.
La fascination
Les gens étaient fascinés par la magie dégagée par ce lieu. Au point qu’il est impossible de ne pas s’interroger : comment des grands (= des adultes) qui ont vu beaucoup de belles choses, de beaux paysages de par le monde, sont-ils à ce point attiré par cette liberté incroyable qui consiste à se déchausser, comme si on entrait à l’église, pour marcher dans l’eau, comme si c’était sur l’eau.
La liberté
Elle est au cœur du concept : pouvoir donner à ceux qui passent la possibilité, pour ceux qui le désirent, de sentir l’eau froide sur leurs pieds, tout en marchant dans un univers insolite, de la pierre noire, sans aspérité, dans un grand espace plat sans rien pour arrêter le regard. Ce n’est pas une obligation. Personne ne vous y oblige. Regarder ses pieds non plus. On peut voir loin quand il y a peu de monde. Pas seulement l’autre rive si lointaine, mais en soi pour méditer sur cette résurgence de l’enfance qu’est la découverte du monde pour apprendre à se connaître soi.
La découverte
Elle surgit à chaque moment. Se voir soi marcher dans l’eau, comme un môme c’est à dire très sérieusement, sans blaguer, concentré, c’est fascinant. Fascinant de constater que la semaine passée, quand nous y étions, il n’y avait qu’un jeune enfant à qui son père tenait la main pendant toute sa traversée. De retour du grand tour, arrivés au bord, le père a lâché la menotte du petit et celui est tombé. C’était un petit garçon, sa maman prudente lui avait enlevé son pantalon et son slip.
Le respect
Tous les autres acteurs du Miroir d’eau étaient des ados +, des jeunes, avec quelques ‘plus grands’ pour rester dans cette part d’enfance que nous conservons tous, qui que nous soyons. Aucun n’a fait de blague, du genre shooter dans une boîte boisson remplie d’eau, jeter des cailloux ou envoyer de l’eau aux autres, comme à la plage… Je gage, bien sûr, qu’il existe un service dédié à la conservation de l’état optimal du Miroir d’eau. Ceci n’enlève rien à la magie.
L’ordre et la propreté
Il faut toujours une attention très forte à la propreté pour que tout ait l’air normal dans un lieu aussi passant, avec tant de gens autour. Cette propreté a l’air si normale, si naturelle qu’elle est toujours vue comme faisant parti de la nature des choses. Or c’est le contraire qui se passe. Cette propreté est un long travail d’aboutissement en amont, absolument nécessaire afin que l’ordre social soit respecté. Mais il y a encore plus.
La réussite ‘populaire’
C’est au moins autant que la beauté des lieux, d’un site par essence unique au monde, que réside la réussite du Miroir d’eau pensé et réalisé par Michel Corajoup, le grand paysagiste qui a travaillé aussi à Lyon. Cette insertion d’un concept hyper-contemporain dans un lieu hyper-emblématique d’une ville au riche passé maritime, qui a été anglaise, qui a été aussi la capitale de la France libre dans des temps troublés, est déjà maintenant qualifié de ‘populaire’, selon les termes utilisés par l’élu de Bordeaux en charge de l’urbanisme, M. Duchêne.
C’est désormais une de ces expressions à la mode. Elle est apparue très récemment. Il ne suffit plus seulement de savoir que l’eau est là à deux pas, on veut la voir, la sentir bouger, la toucher, toujours par la main, alors qu’il me semble que le pied convient mieux. A Bordeaux, comme à Nantes, l’eau du fleuve attire si peu que l’esprit y substitue aussitôt une eau de rêve, légère, limpide, couleur du ciel quand il est bleu, si douce au toucher, comme une caresse pour la peau.
L'eau de la Garonne
Dans ces grandes villes d’estuaire, l’eau est chargée de vase, elle est lourde de sédiments. La masse turbide est très présente ; le bouchon vaseux arrive jusque là. Il est hors de question de toucher l’eau avec la main, tant la rive est vaseuse, avec souvent d’ailleurs une odeur lourde de vase. Quant au pied, il s’enfonce profondément dans cette couche molle.
C’est elle qui va devenir la ‘vraie’ eau, celle qui est choisie comme emblème de la ville, face à la ‘vraie’ eau vive de la Garonne. Les opposer n’a pas grand sens, car toutes deux sont absolument nécessaires pour donner naissance à leur œuvre commune, le passant d’eau, qui se mire dans le miroir, le miroir d’eau sur les quais de la Garonne.
Ils sont très nombreux par jour de beau temps, moins quand il fait doux. Mais peu importe puisque la liberté est là. Michel Corajoud a mis en fond d’écran sur son site, ces passants d’eau qui visiblement lui font si plaisir et à nous aussi, passants d’eau l’espace d’un instant, vrai ou rêvé.
Sur Michel Corajoup
http://corajoudmichel.nerim.net/
http://corajoudmichel.nerim.net/Realisations/Bordeauxlesquais/Bordpresgen1.html
Sur le Miroir d’eau, quelques sites de photos d’amateur
http://www.trivago.fr/bordeaux-35213/promenaderue/miroir-d-eau-193801,
avec mes remerciements à Matthieu pour l’usage de sa photo du miroir d’eau, avec des passants d’eau qui se reflètent dans l’eau
http://www.33-bordeaux.com/bourse-miroir-eau.htm
http://www.photoamateur.net/miroir-bourse.htm
Sur le bouchon vaseux à Bordeaux, Nantes
http://svt.ac-bordeaux.fr/Res-Peda/Prog-Lyc/Seconde/Laterre/Space/gironde/girsat2.htm
http://www.loire-estuaire.org/documents/pdf/lettre8.pdf
. Lire les autres billets sur Bordeaux et ses quais sur ce blog
. Photos, n° 1 Michel Corajoud à qui j'adresse mes remerciements, n° 2 Matthieu04 sur le site Trivago.fr/Bordeaux que je remercie également, n° 3 et 4 EP "Maman veille, Papa à l'aventure avec le petit lapin à la main"