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Le Blog d'Elisabeth Poulain

Le Tour de France et ses spectateurs

17 Juillet 2008, 14:02pm

Publié par Elisabeth Poulain

Chaque année, la France se met au vert, un vert qui a toutes les couleurs, celles que portent les coureurs cyclistes et les admirateurs du Tour de France. Sans eux, clairement, il n’y aurait pas de spectacle. Ils sont en même temps que les cyclistes et leurs accompagnateurs de tout genre, les acteurs et l’objet de ce phénomène qui revient chaque année. Et quel phénomène ! Il n’y pas mieux dans le monde. Il y a conjugaison entre un pays, la France, un événement sportif mondialement connu, le Tour,  et son public, qui vient de France, des pays voisins à vocation cycliste (Espagne, Italie, Belgique, PB…) et au-delà (Australie…)    
 Le Tour de France est aussi d’abord une entreprise fondée en 1903, qui arrive à faire fermer des routes entières et mobiliser départements, régions et Paris. Elle signe avec ces émanations publiques des contrats afin que passent pendant quelques minutes, seuls ou groupés, des sportifs revêtus de maillots qui portent plus de mots que de couleurs. Il y en a tellement qu’il n’est pas possible de lire toutes ces marques qui habillent ces hommes sandwichs autour du tronc, sur le dos, la poitrine, au-dessus des fesses.  

La référence à l’Etat n’est pas neutre, surtout en France. Les gendarmes, la police et tous les services publics, sans compter les grandes associations, comme la Croix-Rouge, mettent leurs compétences au service de ces migrations d’un nouveau type. La référence aux marques n’est pas due au hasard non plus. C’est en effet le sponsoring des grandes marques qui offre l’équilibre financier de cette opération privée unique annuelle. Sans Vittel & co, il n’y aurait pas de Tour. Coca Cola a renoncé maintenant à être partenaire du Tour.   

Parmi les étapes, il y a des grandes classiques, les Incontournables, comme le Tourmalet dans les Pyrénées et les grands cols des Alpes. Il y aussi chaque année de nouvelles villes à accueillir le Tour. Il y enfin les innombrables villages et sites par lesquels passe le Tour, sans s’arrêter.  Trois types de lieux, avec à chaque fois trois types de spectateurs différents. Les compétiteurs cyclistes restent apparemment les mêmes, apparemment parce que chacun sait que le grimpeur ne sera pas forcément le meilleur en plaine et parce que les stratégies des équipes s’adaptent en conséquence.  

La montagne et le vélo ont toujours été associés. La télévision couvre parfaitement bien le déroulé des étapes, mieux même que lorsque vous vous posez au bord de la route. Le challenge pour les spectateurs est alors d’arriver à faire le doublé : être au cœur de la course et voir à la télévision. Mais où est-il le plus difficile d’accéder, de garer la voiture et d’attendre pendant plusieurs jours, loin de tout? C’est bien la montagne, qui constitue un des endroits  les plus fragiles et les plus sensibles qui soit. Donc c’est bien là que la horde des 4 roues de tout style qu’utilisent les spectateurs et aussi les innombrables camions.  

Il y a les énormes camions Dentressangle rouges par exemple pour l’organisation. Ce sont les seuls que l’on a ‘droit’ de voir à la télévision. Ils acheminent les tribunes, podiums et autres constructions provisoires afin de transformer un hameau bien situé de quelques feux au sommet d’un col en village branché où tout le monde connaît tout le monde et parle au monde via les ondes. Il y a aussi tous ceux qui livrent nuitamment la nourriture et les boissons de centaines de milliers de personnes à héberger.  

Le camping car est tellement présent qu’il fait l’objet chaque année d’un commentaire de journalistes qui se trompent de moins en moins et savent maintenant faire la différence entre camping-car et caravane. En avez-vous vu le 14 juillet ? Moi non. Une des raisons est que la caravane fait un peu has been, sauf celles de collection, alors que le camping-car ‘passe’ en terme d’image. Il y en a des rangées entières de CC blancs. Ils offrent l’avantage d’offrir à leurs utilisateurs un lieu de vie en totale autarcie pendant le temps d’attente, avec leur confort habituel, et surtout avec la télévision. Et tout ça pour voir passer des surhommes en limite d’efforts.  

On a alors en un lieu improbable, la montagne, une vision extrême entre des jeunes hommes, qui subissent une pression incroyable (physique, psychique…), des spectateurs, pas tous, en situation de confort maximal, qui voient le Tour alors que le Tour les regarde. Ils se voient eux et leurs semblables à l’écran. Le tout dans des sites d’une beauté d’une magnificence et d’une fragilité extrême.  Plus l’accès est difficile, plus il est rare, plus il est cher. Plus il est improbable, plus il est demandé. Sans qu’il soit évidemment possible de faire le compte des atteintes à l’environnement qui sont portées journellement par ces nuiteux et ces journaliers d’un nouveau genre.  

On comprend mieux pourquoi une pub en faveur des CC payée par le syndicat des camping-caristes court sur les radios en mai-juin, avec cette idée : partez quand vous voulez, où vous voulez, avec un camping car. Or il est interdit de dormir sur une route dans son CC - ce que ne vous dit pas la publicité - sauf à un moment dans l’année : quand passe le Tour.   

En ville, les spectateurs ressemblent aux personnes que l’on croise tous les jours en été quand il fait beau. En dehors, ils ont beaucoup changé en quelques années. On voit de moins de moins de campeurs avec gros ventre et marcel en plaine et de plus en plus de sportifs en tenue cycliste branchée en particulier en montagne. Parfois, s’il arrive au coureur de mettre pied à terre, on ne sait plus qui est qui. Pour les distinguer, le coureur c’est celui qui tient le guidon, l’autre à qui il arrive de courir à coté du coureur, c’est le spectateur. Quand il est enfant, il porte souvent des grandes mains vertes.  Son père à côté de lui porte parfois un drapeau.  

Il y a toujours des imprudents, outre ceux qui courent comme  des fous auprès des coureurs, comme ceux qui traversent la route ou s’avancent sur la chaussée pour prendre une photo du coureur de face. Ca, ça ne change pas. Comme ne change pas cette foule cannibale qui donne l’impression de vouloir avaler le coureur en haut des cols et qui lui tape dans le dos et sur l’épaule. Des signes d’excitation qui mettent mal à l’aise.  

Comme ne changent pas les magnifiques prises de vue aériennes à partir d’hélicoptères. Est-ce une impression ou bien y en a-il moins qu’avant? Quel dommage parce que moi, c’est ce que j’aime le plus à regarder : la France vue d’en haut avec ses magnifiques paysages, en voyant les gens d’en bas attendre et voir passer le Tour.  

J’aimerais aussi un jour que soit étudiés les effets de l’Après-Tour, en terme de notoriété et de nuisances. Il existe bien, c’est vrai, des équipes de nettoyage qui passent après le Tour. Quant à l’Avant-Tour, ce sont là secrets précieusement gardés qui constituent  le cœur des savoir-faire de ces sociétés organisatrices de grands évènements, tels que le Tour de France ou le Dakar.  

Ceci dit, allez une fois au moins voir passer une étape. Je vous conseille de choisir la campagne, près d’une forêt, avec une légère déclivité. Il y a une telle variété de paysages en France qu’il faut savoir en profiter. Oui, pour moi, le vrai Tour passe à la campagne devant des familles arrivées à l’aube qui déploient table et fauteuil de camping avec le parasol Pernod Ricard ou Pastis Berger et qui ramassent leurs papiers gras et les bouteilles de bière ou de limonade avant de partir, le soir. Il y a une réelle magie éphémère, avec un petit air de vacances des années 50/60. Et les coureurs ont moins l’air d’être en souffrance.  

Comme me l’a dit un jour un ami américain, la France est un pays de cocagne où tout le monde a voiture et camping car, où tout s’arrête pour voir passer des cyclistes.  

Pour suivre le chemin

. Voir les étapes sur Google maps
. Retrouvez le Tour sur www.letour.fr
. La bicyclette était connue des sportifs fortunés en Europe dès la fin du XIXè siècle. Au Royaume Uni, précurseur en ce domaine, comme dans celui du camping, une association de campeurs cyclistes fut fondée en 1901. Elle prit le nom  de Camping Club de Grande Bretagne et d’Irlande. Le premier manuel sur le camping et la bicyclette paru en 1904… Lire la suite dans L’esprit du camping de France Poulain et Elisabeth Poulain, Editions  Cheminements. 

 

 

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C
lesphotos vont tres bien avec le texte.le fait d'apres fait une capture de la TV permet de montrer un  niveau possible pour "voir le tour passer".
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