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Le Blog d'Elisabeth Poulain

L'ordre public selon le règlement de police de 1807 à Avrillé (49)

24 Septembre 2010, 10:50am

Publié par Elisabeth Poulain

 

Nul n’est censé ignorer la loi. C’est un principe de droit que chacun est supposé connaître par un joli raisonnement juridique qui fait reposer la connaissance de la loi sur celui, qui justement, n’a pas obligatoirement la possibilité de la connaître. C’est d'ailleurs toujours vrai maintenant. Mais comme c’est la loi qui le dit. Imaginez ce que c’était en 1804…A cette époque très troublée de l’histoire, il a paru utile à un tout nouveau maire de rappeler cette loi aux habitants de ce qui était alors un petit village pauvre, celui d’Avrillé, situé à au nord-ouest d’Angers en Maine et Loire.  

La situation

En 1804, l’Empire venait de naître, la commune aussi. Son maire se prénommait Joseph Bachelier de Bercy. A sa prise de fonctions, ce dernier entendit rappeler et/ou faire connaître les règles du vivre ensemble en ces temps de grands bouleversements. A cette fin le maire fit paraître un règlement de police, qui reprenait, sinon l’essentiel de lois ou de règlements pris pendant la période révolutionnaire, du moins les textes qui lui paraissaient importants dans sa commune.  

L’ouvrage de recherche La mort et la jeune épousée, Robert de Gohier, 1616

Ce document se trouve dans l’ouvrage très documenté de Jacques Thomé « Douceur angevine ? Naître, vivre et mourir à Avrillé (1532-1980) » en seconde partie donnant des « Compléments sur l’histoire d’Avrillé ». 

 

Vivre, comme le dit Jacques Maillard qui a rédigé la préface, « c’était d’abord lutter pour survivre. La population est régulièrement frappée par les crises aiguës de mortalité, provoquées par les famines et les épidémies, parfois par les violences de la guerre…L’auteur Jacques Thomé précise que « la grande majorité de la population est composée de closiers (ce sont des paysans pauvres qui louent une parcelle de terre closes de murs) , de journaliers dont les ressources sont très faibles. Les veuves démunies sont nombreuses… ». Les jeunes épousées mourant en couches aussi.  

La vigne et le vin

Comme dans quasiment tous les villages en France à cette époque, sauf impossibilité climatique ou physique, il existait encore un vignoble, qui n’avait pas, aux dires de l’historien, une grande notoriété à l’exception du Clos de Panloup, situé sur le coteau en pente douce vers la Mayenne, dont le cépage « le rayon d’or » donnait un vin blanc doux. Si les nobles et les bourgeois pouvaient s’approvisionner chez de bons vignerons, les vins locaux étaient bus d’abord sur place à la maison. Le reste de la production était vendu aux nombreux aubergistes et cabaretiers. On ne parlait pas alors de cafetiers.  

Le règlement de police

Daté du 26 novembre 1807 et signé par « De Bercy, Maire », il comporte seulement 15 articles, ce qui, à notre époque, peut sembler court. Le plus intéressant est de voir les thèmes sur lesquels porte chacun de ces articles. Cette répartition donne une bonne représentation des préoccupations d’alors et la vision de l’ordre public de ce tout début du XIXè siècle.  

Les premiers et derniers articles

Ces articles 1, 3 puis 11 à 15 compris  traitent de problématiques distinctes :

-        l’article 1 rappelle l’obligation de ramonage des cheminées à tous les habitants tant la crainte des incendies était forte, selon une loi du 24 août 1790 et une du 28 septembre 1791;

-        l’article 3 enjoint à tous ceux qui sont concernés d’écheniller leurs haies (loi du 26 ventôse an 4, soit le 16 mars 1796);

-        l’article 11 cite l’interdiction de laisser vaguer les animaux « chevaux, vaches, cochons, chèvres, moutons », selon l’ordonnance de police du 22 mai 1790 ;

-        l’article 12 porte sur l’obligation à tous de prêter main forte en cas de trouble et de ne pas insulter le maire, selon une loi du 22 juillet 1791 ;

-        l’article 13 précise qu’il n’est pas possible de faire école sans autorisation municipale (par décision propre du maire);

-        l’article 14 vise les chiens qui doivent être gardés à l’attache, sous peine d’être abattus en raison de la fréquence du risque de la rage (idem);

-        L’article 15 et dernier stipule que la petite porte près du maître autel dans la chapelle sera fermée pendant la messe pour éviter que des individus y entrent ou en sortent, troublant ainsi le service divin (idem). 

Les articles consacrés aux cabaretiers et aubergistes Avrillé-Blason-création Jacques Thomé, 1981

Les 8 autres, soit la moitié, étaient  destinées directement ou indirectement aux cabaretiers et aux aubergistes. La raison de cette sur-représentation était essentiellement que ces professionnels recevaient des étrangers qui n’habitaient pas la commune. Il fallait surveiller leurs déplacements pour que soit respecté l’ordre public.  

-        L’article 2 défendait aux voituriers, aubergistes… d’entrer dans les greniers et écuries  avec des lumières non renfermées dans des lanternes ou d’y fumer, selon une ordonnance de police de Paris du 10 février 1755 et une loi du 24 août 1792, toujours par crainte des incendies. On retrouve la protection contre l’incendie.

 

-        L’article 4 interdisait d’accueillir et de donner à boire après 8 heures du soir du 22 septembre au 21 mars inclus et après 9 heures du soir du 22 mars au 22 septembre, décision prise par arrêté du Conseil d’Etat le 4 janvier 1724 et la loi du 24 août 1790 déjà citée.  L’explication qui vient à l’esprit que cette mesure permettait d’arrêter ou de freiner les déplacements la nuit puisqu’il n’y avait plus d’hébergement possible.

 

-        L’article 5 interdit aux dits cabaretiers et aubergistes d’accueillir «  aucune femme prostituée, aucuns vagabonds, mendiants, gens sans aveu sous peine d’être civilement responsables des délits » des susnommés, toujours selon la loi du 24 août 1790.

 

-        L’article 6 les enjoint de tenir « un registre timbré, coté et paraphé par le maire » où ils doivent noter les noms et dresses de tous ceux qui passent une nuit en précisant bien les dates et heures d’arrivée et de départ, selon une loi du 22 juillet 1791.

 

-        L’article 7 leur ordonne  d’ouvrir leur établissement aux fins de contrôle des registres de jour et de nuit et de constatation des manquements (idem).

 

-        L’article 8 ne leur permet pas de servir à boire pendant le service divin. Le maire précise que cette mesure est prise eu égard à la position de l’église par rapport aux cabarets et auberges. C’était déjà un arrêté du Préfet du 5 nivôse 1804, c’est à dire le 26 décembre 1804.

-        L’article 9 regroupe deux séries de mesure. La première, qui ne semble pas concerner directement les cabaretiers et aubergistes, concerne une interdiction de donner les noms des domestiques. Cette mesure est peut être à lier au dernier paragraphe du document qui précise que les enfants, ouvriers et domestiques relèvent de la responsabilité directe des parents et chefs de maison.

 

La seconde leur interdit très clairement de permettre la danse, sauf en cas de noce, et les représentations théâtrales ((idem).

 

-        L’article 10 vise les poids et mesures, que l’adjoint municipal en charge du contrôle  doit pouvoir effectuer, chez tous les débitants et marchands, les cabaretiers et aubergistes également (idem). 

Pour conclure

Je vais laisser le dernier mot à M. le Maire De Bercy qui déclare :

«  Quiconque ne se conformera pas au présent règlement et qui contreviendra à ses dispositions sera poursuivi et puni. Les pères, mères sont, ainsi que les chefs de maison, personnellement et civilement responsables de leurs enfants, ouvriers et domestiques ». 

Pour suivre le chemin

Jacques Thomé-historien, Avrillé 49. Lire l’ouvrage très intéressant de Jacques Thomé « Douceur angevine ? Naître, vivre et mourir à Avrillé (1532-1980) » paru aux Hérault-Editions, 1986. L’auteur y décrit la dureté de vie des jeunes mères dont beaucoup mourraient en couche et des nourrissons  dont peu atteignaient l’âge adulte. Jacques Thomé est un ancien inspecteur de l’Education nationale, passionné d’histoire locale. Il a été également adjoint aux affaires culturelles et scolaires d’Avrillé dans les années 1980.

 

. L'année du réglement est 1807 et non pas 1804, comme me l'a signalée Jacques Thomé. . La date du règement

 

. Trouver quelques informations sur l’histoire d’Avrillé sur

http://fr.wikipedia.org/wiki/Avrill%C3%A9_(Maine-et-Loire)#Sous_l.E2.80.99Ancien_R.C3.A9gime

 

L’histoire d’Avrillé commence réellement quand la paroisse d’Auvrillé fut créée. Jusque là, le territoire de l’actuelle commune appartenait au Comte d’Anjou. Plus tard l’Abbesse du Ronceray, qui hérita d’une partie des terres, y créa un bourg.

Pour la première fois en Anjou, les gisements d’ardoise commencèrent à y être exploitées. Tout au cours de l’Ancien Régime, les trois ressources économiques furent les ardoisières, les activités viti-vinicoles et le « nourrissage », mise en nourrice d’enfants, un phénomène de grande ampleur que Jacques Thomé a contribué à mettre en lumière.

 

Ce petit village rural pauvre a gardé ses limites territoriales depuis le XVIIè siècle. La commune proprement dite fut créée en 1791. Pendant les guerres de Vendée, entre avril et janvier 1794, 2 000 hommes, femmes et enfants furent fusillées en un lieu qui s’appellera très vite le Champ des Martyrs. Une chapelle y a été édifiée au XIXè siècle. Le pape Jean-Paul II a béatifié 99 des 2 000 massacrés.

 

. Comprendre le blason d’Avrillé (toujours sur Wikipedia) « qui fut créé en 1981, à l’occasion du jumelage avec la ville allemande Schwalbach, par Jacques Thomé, alors adjoint de Guy Pasquier Maire de l’époque. Il représente les éléments de la vie d’autrefois :

« Ecartelé, Au premier d’azur, à trois fleurs de lis d’or

 Au deuxième de gueules, au maillet & burin d’argent Mis en pal 

Au troisième de gueules, au moulin à vent d’argent 

Au quatrième d’azur, à la grappe de raisin d’or »

« Les fleurs de lys sont celles des armes de l’Anjou ; les outils des fendeurs d’ardoises évoquent les carrières exploitées jusqu’à la fin du XIXe siècle ; le moulin symbolise les caviers dont deux subsistent de nos jours et la grappe de raisin rappelle que la vigne fut cultivée sur les coteaux de la Mayenne jusqu’à la fin du siècle dernier ».

 

. Le lien entre la mobilité et l’insécurité ressort très nettement de ce règlement de police. C’est une problématique qui reste pleinement d’actualité. Lire sur le sujet des polices urbaines, l’étude de Vincent Milliot « Réformer les polices urbaines au siècle des Lumières : le révélateur de la mobilité » sur  http://chs.revues.org/index195.html

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