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Le Blog d'Elisabeth Poulain

1001 façons de manger, Eliane Poullain, volailler-rôtisseur, Daumeray, Paris

27 Janvier 2009, 11:17am

Publié par Elisabeth Poulain

Notre façon de manger et le changement

Bien sûr qu’il y a du changement. Nous avons maintenant plus de temps ; l’époque n’est plus celle de l’enfance et les possibilités de trouver ce que l’on cherche sont maintenant très grandes. Dans ma famille à Daumeray dans le nord de l’Anjou, on mangeait ce qu’on produisait d’abord et on complétait par ce qu’on trouvait au marché. La cohérence était d’autant plus grande que mes parents étaient négociant en volaille. Aux heures indiquées par le placier du marché (10h-12h), ils achetaient aux fermières tout ce qui était dans le poulailler : poule, œufs, lapin…Le montant de la vente constituait ‘l’argent de poche’ de la fermière, une petite somme d’argent que la fermière utilisait pour des petits achats d’urgence ou de cadeau.

 

Périodiquement pour compléter leurs approvisionnements, mes parents faisaient la tournée tout autour de Daumeray et allaient dans les fermes à Châteauneuf, Tiercé, Durtal, Sablé… A Marigné par exemple, c’était tous les quinze jours. Les fermières arrivaient avec leur marchandise à vendre place de l’Eglise  le plus souvent ou parfois au bout de leur chemin et mes parents les rencontraient là pour faire affaire. Leur retour de tournée marquait le moment de la préparation de la volaille qui partait chaque soir de la gare de Morannes pour les Halles de Paris. Mes parents connaissaient tout le monde et savaient exactement où étaient les bons produits.

 

Bien sûr que les choses ont changé. Le marché de la volaille s’est professionnalisé. On peut encore acheter son poulet à une marchande de volaille qui se fournit chez des petits fermiers. C’est ce que nous faisons le samedi matin en allant au Marché de la Doutre à Angers.

 

Le travail

Déjà dans ma famille, les journées étaient bien remplies. J’ai donc toujours eu l’habitude de faire beaucoup de choses. Le personnel que mon père avait engagé pour la préparation des commandes pour Paris était nourri matin, midi et soir sur place. Il fallait donc aussi faire la cuisine pour tous, mes parents, nous 4, les enfants, et les 2 ou 3 personnes qui travaillaient avec nous. Croyez-moi, on apprend à faire la cuisine quand on a une tablée de 9/10 trois fois par jour.

 

Le poulet le dimanche.

Les plus belles volailles partaient bien sûr pour Paris. Nous venions après, c’est normal. En semaine, c’était plutôt du cochon et des ragoûts. On faisait nos rillettes à la maison. C’était une opération lourde ; le grand-père touillait la préparation en train de cuire doucement pendant 8 heures de suite. Gérard a gardé ce goût pour la rillette. Quand j’en fais, il en prend un peu le matin. Les légumes poussaient dans le jardin, comme les fruits d’ailleurs. C’était dans l’ordre des choses. A Noël, ma mère préparait une bûche avec des châtaignes.

 

Cette vie a duré jusqu’à la guerre. Mes parents étaient nés au début du siècle, ma mère en 1910, mon père en 1908. Gérard et moi en 1937, tous les deux. Après la guerre, tout a été bouleversé. Les gens voulaient plus, plus d’aisance. Mon père a pris le train en marche, façon de parler. Il a agrandi le commerce. Il y a eu jusqu’à 7/8 employés ; le camion a remplacé la carriole qu’on attelait pour partir le matin et revenir le soir. Nous allions toujours au marché, mais moins souvent, cette fois-ci uniquement pour faire les courses pour la famille et les employés.  

La vigne et le vin

Chez nous, mon père avait une petite vigne. Il faisait son vin, de la piquette, à dire vrai. Un voisin  avait  un pressoir et il allait de maison en maison louer son pressoir et presser le raisin de la vendange qui était mis en barrique aussitôt. En semaine, les grandes personnes buvaient du cidre ou du vin allongé d’eau quand on mettait la barrique en perce.   

La glacière

Comme il n’y avait pas de réfrigérateur à l’époque, on était livré en pain de glace 2 à 3 fois par semaine. Pour faire la glacière, on utilisait  les moyens du bord. Il suffisait de prendre une grande caisse en bois entourée de papier autour, en prévoyant un écoulement par le bas. On plaçait deux pains de glace dans le fond puis on posait par-dessus les volailles enveloppées dans des tissus et par-dessus, on disposait un matelas épais de fougères qui  faisait office de couvercle. On avait évidemment pris la peine, au retour du marché, de s’arrêter dans la forêt pour rapporter à chaque fois de la fougère fraîche. Ca tenait très bien le froid. Plus tard, on a eu de la cryo-glace, qui avait l’avantage de ne pas fondre.  

Les loisirs

On a toujours beaucoup travaillé, je vous l’ai dit. Quand on devait se déplacer, on le faisait à pied. Pas question de prendre le camion pour un oui ou non. Notre vie était physique. Pour autant, il n’y avait pas non plus que le travail. Mes parents par exemple avaient des amis à 2 kms avec qui ils jouaient aux cartes dans la soirée. On partait avec eux à 7 heures du soir et on revenait à minuit, à pied bien sûr. On buvait du cidre et la dame nous faisait un gâteau. Je m’en souviens très bien.

 

Le bouleversement de la guerre

La guerre a changé notre façon de vivre. Il y a eu un avant et un après. Nous avons découvert le Nescafé que les Américains ont apporté  avec eux et leurs cigarettes qu’ils distribuaient aux habitants. Mon père lui a continué à fumer sa pipe ; ma mère aimait bien allumer de temps en temps une cigarette américaine et aucun de nous quatre, mes frères, ma soeur et moi, ne fume.    

 

La volaille

Elle est présente tout au long de ma vie et celle de Gérard. Dans ma famille à Daumeray d’abord, puis avec mon mari ensuite. J’ai fait sa connaissance quand il a commencé à travailler pour mes parents. On se connaît depuis mes 14 ans. On n’est sorti ensemble qu’à son retour du régiment. On s’est marié au retour de Gérard de la guerre d’Algérie. Nous avons toujours travaillé ensemble, à Daumeray, chez mes parents, à Paris ensuite.

 

A Paris, nous avons travaillé dans le XXè arrondissement pendant 11 ans chez un bon patron et sa femme, des Auvergnats du Limousin. Nous avons gardé longtemps des relations avec eux. C’était une époque où il y avait plein de boulot. Celui qui voulait travailler, il le pouvait. Pour nous, Gérard et moi, il est arrivé un moment - nous avions alors deux enfants - où nous avons décidé de nous mettre à notre compte. Nous sommes alors venus à Angers. Nous y avons créé notre commerce de volaille rue de Roe et ensuite aux Halles. 50 ans à travailler dans la volaille pour Gérard, guère moins pour moi. Et vous savez quoi ? Nous aimons toujours la volaille et nous sommes restés à Angers pour notre retraite.  D’ailleurs, nos amis le savent bien. Quand ils se demandent ce qui pourrait me faire plaisir, ils m’offrent des statuettes ou de coussins de poule, de canard…ou des livres de cuisine !

 

Pour suivre le chemin

. à suivre, 1001 plaisirs de manger, Eliane, volailler-rôtisseur, Angers

. à suivre aussi un billet sur Gérard, la chasse et le gibier

. et un autre billet ‘mystère’ plus tard sur Daumeray.

 

. Daumeray, petite ville à vocation agricole du nord du département de Maine et Loire (49), compte 1312 habitants. Elle est présente sur le net par ses cartes postales anciennes, de nombreuses  locations de vacances pour ceux qui aiment la campagne et des maisons à vendre à ceux qui recherchent des résidences secondaires. 

. Daumeray est bien connu en Anjou à cause de l’histoire de Rouget le Braconnier. La pièce de théâtre continue a y être jouée ; des pancartes routières officielles indiquent que nous sommes dans le pays de Rouget le Braconnier ; un chemin de promenade fait découvrir les pistes de Rouget et une troupe dédiée au célèbre personnage continue à faire vivre son aventure. C’est une très triste histoire de journalier sans travail poussé par la faim à voler un lapin, trahit pas sa belle alors qu’il avait réussi à échapper à la police grâce à la population. Il est envoyé au bagne en Guyane, ne réussit pas à s’en échapper et y meurt le 19.04.1858. Il y a plus 150 ans ; c’est impressionnant.

= Prochaines séances théâtrales du 17.01 jusqu’au 28.02.2009. Tél : 02 41 32 51 72  

. à voir www.anjou-maine.fr/daumeray.htm

 

. Ière photo EP, 2è photo Eliane et Gérard dans leur boutique de la rue de la Roe

 

  

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