P.60 WBW > The World through the Bottle of Wine > Conclusion
Cette rencontre visuelle n’en est pas pour autant virtuelle. Elle est réelle. Il y a un véritable échange entre la bouteille et l’amateur de vin. Certains sont attirés par certaines bouteilles de vin et pas par d’autres. Quand il y a accroche, la personne se dirige vers la bouteille et éprouve le besoin de la prendre en main. Littéralement, on voit mieux quand la main saisit la bouteille. Le geste aussi est toujours le même : après avoir regardé l’avant, la main retourne la bouteille pour voir l’arrière et lire la contre-étiquette.
Puisqu’il est démontré que la bouteille parle, la question se pose de savoir, non pas tant ce qu’elle dit, mais sur quels éléments cette langue des signes s’appuie pour communiquer. Chacun comprend bien très vite l’arrière-plan commercial qui se situe à la frontière entre le 'dire' et le 'séduire'. L’étude que j’ai menée depuis le début de ce siècle sur cette problématique complexe se situe clairement dans l’axe de la sémiotique visuelle dans un univers concurrentiel commercial.
Mais en aucun cas, mon objet est de dire qu’il faut faire çi ou ça pour attirer ou pour convaincre telle catégorie de consommateurs ou telles autres d’acheter telle bouteille plutôt qu’une autre. C’est ainsi également que je ne me prononce pas sur le ‘dit’ de la bouteille puisque je pars du principe qu’il n’existe pas de langage non verbal universel valable pour tous les vins, toutes les personnes, dans toutes les circonstances. C’est pourtant ce qui m’a été demandé à plusieurs reprises : « sous quel habillement vendre une bouteille de vin pour être assuré qu’elle va se vendre ? » Ma réponse a toujours été la même : « ce fantasme de démiurge n’est pas le mien. » Clairement, une bouteille peut provoquer une réaction de joie ou de mélancolie chez l’un ou l’autre, l’indifférence chez un autre ou le rejet chez un quatrième. Toutes les réactions sont possibles. La question est d’importance puisque tout dépend de la sensibilité de chacun à un moment donné pour des circonstances précises, la bouteille habillée étant déjà en elle-même la résultante d’un ensemble extraordinairement complexe de messages sensibles-perceptibles ou non.
C’est à partir de cette rencontre que j’ai conçu cette recherche sur les Habits du Vin, en me posant des questions qui tournent autour de la problématique, avec une première série de questions :
- Que peut-on dire grâce à la bouteille ?
- Sur quels éléments se base cette langue non verbale du vin pour communiquer?
- Pourquoi avoir limité l’étude au Val de Loire ? Y-a-t-il une spécificité Val de Loire dans ce domaine par différence avec d’autres régions ?
Tout de suite après une seconde série de questions apparaît :
- Comment les professionnels du vin en charge de l’habillage de la bouteille conçoivent-ils l’habillage d’une façon générale ?
- La question est-elle importante pour les vignerons et comment procèdent-ils ?
- Les négociants mettent-ils en application la même démarche ? Et les coopératives ?
Cette seconde série en appelle une troisième :
- Peut-on viser une catégorie particulière d’amateurs de vins avec un certain habillage?
- A-t-on une réelle liberté dans ce domaine ?
- Qui décide au final : le producteur, le distributeur, l’amateur, l’acheteur ou quelqu’un d’autre ?
Avec ensuite quelques questions sociétales :
- Pourquoi y-a-t-il tellement de critiques sur les étiquettes françaises en général ?
- Pourquoi accepte-on ou relaie-t-on ces critiques ?
- Pourquoi les professionnels des vins sont-ils à ce point peu innovants ?
Les réponses à ces questions filent en filigrane tout au long de l’étude. J’y reviendrai au cours de l’année 2010 sur ce blog, mais pas forcément dans cet ordre et d’une autre façon que ce que j’ai fait pour cette étude.
Le titre sous lequel cette recherche est parue sur ce blog est « Le monde à travers la
bouteille de vin », un titre que j’ai préféré garder en anglais à cause de sa très belle sonorité linguistique qui est déjà du design auditif. Prononcez les deux titres à la suite et
entendez la différence. Il y a en anglais en plus un jeu sur le W de World et de Wine, avec une Bottle coincée en médiateur entre les deux.
C’est exactement le thème sur lequel j’ai travaillé : montrer comment l’ensemble des représentations utilisées par les habillages sur la base de choix individuels forme une vision de la
société française. Je ne dis pas que c’est toute la France qui est contenue dans la bouteille, ni le monde bien sûr. C’en est une des représentations qui a toute sa place sur la scène mondiale,
justement en raison de sa très forte spécificité unitaire : unité de lieu - La Loire - , unité de temps - la Ière décade du 3è millénaire -
unité d’acteurs – le vin – la bouteille - les habits du vin -.
Par exemple personne ne s’étonnera de constater la présence très forte du château dans une société qui garde à ce point la marque d’un Ancien Régime pourtant apparemment si lointain. Il est vrai que la Loire est le pays des châteaux et que le château est devenu un media culturel planétaire, particulièrement ceux de Loire.
Une autre occurrence a surgie, c’est la capacité du système de représentation du vin à se renouveler en laissant entrer l’oxygène de la novation. C’est la raison pour laquelle le plan circulaire de cette recherche est aussi rond que le fond du tonneau mais avec une grande différence. Ce cercle est franchement ouvert pour laisser entrer le changement et la vie. Le château en soi ne signifie rien d’autre qu’une date souvent approximative dans l’histoire pour les acheteurs de vin. On pourrait ne retenir d’un château que son histoire sanglante et la dureté des conditions de travail des serviteurs ou des maîtresses du châtelain. Ce qui compte, ce sera la façon d’en parler avec humour, tendresse, vénération… ou la façon de le montrer graphiquement en faisant ressortir la puissance, l’art de vivre, l’ancienneté…
Elle va également tout le temps courir dans l’ouvrage paru en forme de billets dans ce blog. Le sens d’un dessin change selon la couleur qui peut tour à tour exprimer l’ampleur la plus grande des expressions sur la base du degré d’exigence de celui qui a la charge du choix final de l’étiquette et des autres pièces d’habillement.
Le design graphique apparaît aussi plus timidement dans l’étude, il est vrai. Son importance commence pourtant être perçue même si le charme des lettres anglaises continue à être revendiqué comme preuve de la finesse des vins de Loire.
C’est également un des thèmes majeurs de « The World through the Bottle of
Wine », ce retour de la plante mythique qui désignait le vin le long des routes après la seconde guerre mondiale. Sur des panonceaux de bois, il suffisait de montrer une
feuille de vigne et une grappe de raisin, avec marqué 'vin' en dessous et les rares automobilistes s’arrêtaient. Avec la terre, le trio est maintenant un phare qui remet l’homme au cœur de la
culture de la vigne et de la santé du raisin.
La méthodologie
Les trois CYCLES
J’ai commencé par distinguer trois cycles, qui sont autant de parties principales, selon que les vins communiquent plus spécialement sur
- l’expression, à prendre dans le sens de la volonté du vigneron de pousser l’expression de la spécificité de ses vins le plus loin possible dans le processus de création ; c’est la
tendance fondamentale la plus innovante actuellement qui bouscule les codes établis ;
- la tradition, c’est celle qui va pleinement s’exprimer dans la vision classique à la française et qui a fondé la culture du vin ;
- l’émotion, qui précède ou accompagne un habillage fondé sur la couleur, l’humour et l’hommage et qui peut s’accorder aussi bien de l’un et l’autre CYCLE ou s’exprimer à titre principal.
J’ai banni le raisonnement binaire qui cause tant de dommage dans nos esprits. C’est celui qui oppose les vins du Nouveau Monde au nôtre qui se refuse avec raison à être désigné comme un ancien monde. Le classement trinaire a comme avantage de ne pas avoir de frontières strictes entre les cycles et d’être en renouvellement perpétuel. Il explique aussi pourquoi et comment un vin peut être classé dans une catégorie et un autre vin du même vigneron dans un autre.
Comme dans toute recherche, j’ai bien commencé par le chapitre 1 et terminé par le chapitre 9. Mais en réalité mon récit commence avec le feu, celui du chapitre 9, qui est à l’origine de notre monde, donc de l’homme, de la vigne et du vin. On peut donc soit commencé classiquement soit commencer par le dernier chapitre en poursuivant de façon traditionnelle.
Chaque chapitre est affecté à un SIGNE par lequel le vin contenu dans la bouteille communique en direction de celui qui regarde la bouteille. Les neuf Signes sont placés sur ce cercle ouvert entre le n° 9 et le n° 1. Chacun des SIGNES est en lien avec celui qui le précède et celui qui le suit mais aussi avec les autres. Les neuf SIGNES sont regroupés en trois CYCLES comme je l’ai indiqué ci-dessus :
Le Cycle fondamental des vins d’Expression
. le SIGNE du Feu
(9) = pages 47 à 58
. le Signe de l’Homme (1) = pages 04 à
08
. le SIGNE de Terre (2) = pages 09 à 12
Le Cycle classique des vins de
Tradition
. le Signe de la Pierre (3) = pages 23 à 16
. le SIGNE du
Papier (4) = pages 17 à 20
.
le SIGNE du Temps (5) = pages 21 à 25
Le Cycle contemporain des vins d’Emotion
. le Signe
de la Couleur (6) = pages 26 à 29
. le SIGNE du Trait (7) = pages 30 à
38
. le SIGNE
du Je-u (8) = pages 39 à 46
Aucun habillage sauf exception n’appartient à un seul CYCLE ni à un seul SIGNE. La couleur par exemple peut renforcer l’ancrage d’une étiquette dans les trois CYCLES. Cette perméabilité entre les SIGNES va permettre un jeu d’influence entre les différents SIGNES entre eux, à l’intérieur d’un CYCLE ou en dehors. Le risque de confusion ne peut être alors évité.
Une des façons de s’auto-contrôler est de toujours se poser la question du sens, du style et du ‘je ne sais pas quoi qui fait la différence’, avec ces trois questions :
- L’étiquette a-t-elle un sens ? Qu’est-ce qui se dégage en Ier ?
- A-t-elle un style perceptible qui lui est propre ?
- Où est mon ‘je ne sais quoi qui fait la différence’ ?
Il est possible d’entrer dans la ronde par n’importe quel signe, en suivant n’importe quel sens. Le danseur retrouvera
toujours l’air et le pas, quitte à les inventer lui-même. C4est bien la raison pour laquelle j'ai pu publié cet essai découpé en billet distinct sur mon blog.
Vous pouvez lire un billet, deux, ou plus. Une fois la première découverte faite, vos envies vous amenerons si tel est votre désir à construire votre propre chemin des rêves dans les
paysages du vin pour créer votre propre galaxie du vin.
. Ce billet n° 60 termine ‘The World through the Bottle of Wine’.
. Toutes les étiquettes sur lesquelles j’ai fondées cette recherche sont visibles en ligne sur ce blog sous la désignation du n° de SIGNE suivi de Labels (2Labels par exemple jusqu’à 9Labels), à l’exception du premier simplement intitulé Labels.
.
Pour illustrer ce dernier billet WBW, j’ai choisie une étiquette par
SIGNE en prenant
évidement une parmi celles que je préfère.
. Une précision concernant l'ordre totalement imparfait des pages 58, 30, 26, 22 et 15 qui font rebellion et se refusent malgré tous mes efforts. Je vous présente mes excuses en leur nom!
. Mon dernier mot va vers les vignerons, négociants et coopérateurs qui m'ont reçu avec une attention toute particulière, en prenant le temps de me parler vraiment. Ils m'ont fait un cadeau
inestimable et humainement si riche que cette recherche s'est transformée au fil des 250 rencontres et plus en une véritable piste au trésor tout au long de la Loire. Et je ne parle
pas des étiquettes mais d'échanges. Ca aussi c'est le monde du vin. Ce dernier mot est "merci".