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Le Blog d'Elisabeth Poulain

P.04 WBW > Les Habits des Vins d'Expression > Le Signe de l'Homme

, 09:48am

WBW4, The World through the Bottle ot Wine, le monde à travers la bouteille de vin , le Signe de L’Homme, le cycle des vins contemporains d’Expression, la culture du vin, le latin  

 

C’est par l’Homme que l’histoire du Monde à travers la Bouteille de Vin commence. Sans lui, le raisin serait resté une plante comme une autre, avec de petites baies appréciées par les renards, et encore ! Mon choix est de parler d’abord de celui qui fait le vin, ensuite de la vigne, pour arriver au vin. Le vin est un produit naturel dans le sens où c’est l’homme qui permet à la nature de s’exprimer. Nous redécouvrons grâce à l’action d’un certain nombre de vignerons que la nature n’est jamais aussi belle que lorsqu’on sait la travailler sans lui porter tort, comme on sait apprécier quelque chose qui n’a pas de prix. Quant au vin, produit naturel s’il en est, il faut une démarche en profondeur pour laisser au vin la faculté de s’épanouir en prenant l’ampleur ou le style qu’il peut atteindre sans chercher à faire de lui ce qu’il n’est pas, à lui faire dire des choses qu’il ne saurait dire ou qui n’auraient de sens ni avec ce qu’il est, ni avec le vigneron, ni avec rien.

 

La primauté de l’Homme

De grands débats existent pour savoir quel est l’élément prédominant dans une appellation. Mon propos n’est certes pas de trancher. Le capital commun qu’est une appellation n’empêche nullement des vignerons à forte personnalité de faire évoluer à leur façon le travail de la vigne et celui de la cave. Tout en restant dans le cadre réglementaire, ils impriment à leurs vins au fur et à mesure des millésimes un certain style parce qu’ils donnent un sens certain à leur démarche. Leur notoriété dépasse les frontières et leurs vins sont connus des amateurs partout dans le monde. Pour apprécier un vin, on ne cherche pas d’abord à connaître sur le bout des doigts la réglementation française. Que l’on soit à Marseille, à Bruxelles, à New York ou à Tokyo, on ne se promène pas avec un code dans la poche. C’est aux distributeurs d’assurer cette fonction. L’amateur lui a la plaisante fonction de savourer ce qui va dans un instant lui procurer un plaisir qui va bien au-delà de l’ingestion de quelques gorgées de vin.       

 

C’est bien pour trouver ce sens que Le monde à travers la bouteille de vin commence par l’Homme qui fait, incarne ou porte le vin avant de parler du vin. Faire le vin commence par la culture de la vigne. C’est même une très importante redécouverte de notre temps qu’il ait fallu réapprendre que la qualité d’un vin commence dans la vigne et se construit au cycle des saisons tous les jours et toutes les nuits dans les parcelles. La nature, dont je viens de parler, exige un travail important de la part du vigneron pour que le fruit de son travail soit ‘naturel’. La nature est liée à la culture, à commencer par la culture de la vigne, en arrivant la culture du vin, pour parler d’un ‘produit culturel’ ! Au sens premier, il ne peut y avoir de culture sans cultivateur, sans l’homme ou la femme qui chaque jour écoute sa vigne lui parler et chaque jour sait ce qu’il va faire ou ne pas faire. Mais en France, le terme de culture évoque d’abord la culture du vin. 

 

La culture du vin

La sortie au restaurant est toujours le premier loisir culturel des Français, bien avant la lecture ou la visite d’expositions. Ce sont les arts de la bouche qui célèbrent à l’envi de subtils accords mets-vins qui dominent avec, au premier rang, la dégustation de vin. Le vin est aussi le premier produit culturel français, sans que cette affirmation soit jamais discutée. C’est aussi vrai et indiscutable que la présence de la Tour Eiffel sur les rives de la Seine à Paris ou les Châteaux sur les bords de la Loire.

 

La place très particulière de la culture en France

Le premier pays à avoir honoré les Droits de l’Homme est aussi un des premiers pays au monde à avoir créé un ministère pour favoriser le développement de la culture. Là aussi, il y a culture et culture. L’une savante et l’autre naturelle. La première est revendiquée par des personnes cultivées et la seconde est commune à tous. La première sépare les uns des autres par une volonté manifeste de créer une élite dans le monde artistique et intellectuel et la seconde est issue de nos usages de vie. Chaque peuple, chaque pays, chaque langue, chaque corps de métier… a sa façon de faire, que l’on soit savant ou paysan. C’est plutôt la version anglo-saxonne de la culture. Tout est culturel, notre façon de manger comme celle de boire. La culture ‘à la française’ oscille entre ces deux significations, tout en gardant un fort attachement à la dimension artistique de la culture. La culture du vin reflète cette dualité, entre une culture d’esthètes qui ont une connaissance en profondeur des vins et de leur histoire et une culture populaire du vin, émouvante dans sa diversité et sa spontanéité bridée. Celle-ci est en train de renaître, attirant  à elle des nouveaux amateurs plus spontanés qui cherchent leur goût à leur façon. Le Signe de l’Homme s’adresse aussi à eux, car le vin n’a de sens que s’il est bu.   

                                                                                                           

Le vin, un enjeu mondial

Au niveau mondial, le vin devient un enjeu politique tout autant que culturel. Dès lors qu’il est possible de produire du vin dans un pays, les initiatives privées, aidées ouvertement ou de façon voilée par les autorités publiques, se multiplient afin de lancer des productions nationales de vin. C’est vrai dans des pays sans tradition de vin comme le Brésil du Nord-Est, la Chine ou l’Inde et dans des pays anciennement producteurs de vin comme les Pays-Bas, la Suède, l’Ukraine ou le Canada.

 

Chaque pays ou groupe va naturellement faire ou voir émerger une culture du vin avec d’emblée un objectif nouveau par rapport à ce que nous connaissons en France : la nécessité d’être perçue par ceux qui n’ont pas cette culture ou qui ne l’ont pas encore. La naissance ou l’extension du vignoble dans des pays sans culture vin traditionnelle a pour conséquence de modifier le type de communication. Celle-ci doit être la plus large possible et devenir explicite. A leur tour, ces nouvelles cultures du vin s’interpénètrent sous la double action du développement des exportations et de la création de réseaux d’amateurs actifs, ambassadeurs de leur pays ou groupe.

 

La communication implicite ou explicite du vin

La conséquence de ces novations se traduit par un choc frontal entre deux façons de communiquer : de façon implicite ‘à la française’, en présupposant que l’acheteur a une connaissance suffisante des vins pour effectuer son choix ou de façon explicite dans les pays nouvellement producteurs de vin pour expliquer à l’acheteur en magasin pourquoi il doit choisir ce vin et comment le déguster. Certes la longue pratique française d’exportation de nos vins a tempéré la projection initiale de notre façon de voir. Notre façon de communiquer influence les distributeurs de nos vins à l’étranger  et nos vins absorbent de façon naturelle bon nombre d’éléments qui sont dans l’air du temps international. Nous ne vivons pas dans une île, sans lien avec l’extérieur. Ce grand métissage culturel fait intégralement partie de la dynamique de la culture du vin. On trouve de plus en plus d’influence anglo-saxonne sur les étiquettes et pas seulement les mentions en anglais.

 

La culture latine du vin

Et on parle encore grec ou latin sur les étiquettes. C’est Rome qui a planté la vigne en Gaule, comme la Grèce l’avait précédemment développée dans l’Empire romain. C’est bien aussi ce qui rend notre culture du vin si vivante. Penser qu’il y a des hommes, il y a 2 000 ans et plus, qui sont venus de fort loin pour planter de la vigne est toujours émouvant, au moins autant si ce n’est plus que la construction d’un temple. 


- Ampelidae
, la vigne en grec, est le nom que Frédéric Brochet a choisi pour ses vins contemporains nés et élevés en Poitou, un vieux pays de vins.


- On trouve aussi une déclinaison de Montlouis Remus, Romulus et Romulus + chez Jacky Blot,


- des Rebus, un Cabernet franc de Patrick Baudouin,


- Parfois aussi des devises anciennement attachées à un château sont remises à l’honneur,  Festina lente (hâte-toi lentement), pour l’Anjou rouge du Château la Fresnaye que Josep Grau Garrigua a dédié à La Dame Blanche (voir WBW1).

 

101. Pascal Gitton dédie plusieurs de ses cuvées aux Romains, en particulier pour un Sancerre rosé.  

102. Orantium est une superbe cuvée de Coteaux du Layon-Beaulieu du Château du Breuil. Ce mot à la sonorité latine est une création de Marc Morgat qui est issu d’une lignée de vignerons du 17ème siècle. Il a joué sur l’or, l’oranger et peut être aussi l’oraison qui vient du latin « orar », prier en latin.                                  

103. Michel Redde a sacré Majorum sa plus belle cuvée de Pouilly sur Loire, en partant de sa devise « Recta facere, more majorum » (bien faire pour avoir le meilleur) .  

 

La culture en Loire

Tout comme chaque pays développe sa propre fierté vinicole et secrète ainsi une culture autonome du vin, chaque région viticole en France a ses propres habitudes de consommation. C’est en Loire et à Paris que l’on consomme surtout les vins de Loire, ce qui ne veut pas dire qu’on n’en boit pas autre part ou qu’on n’y goûte pas d’autres vins. Mais il y a une identité Loire. Pour autant la région Loire n’existe pas. Il en faudrait plusieurs pour englober toute la Loire, le plus long fleuve de France au tracé Sud-Nord puis Est-Ouest, sur plus de 1 000 km. Cette Loire fluviale existe, mais non la Loire administrative, économique ou culturelle. Le sentiment d’appartenance à une entité unique est fort disparate, peu sensible dans la région Centre, plus fort en Touraine-Anjou et maintenant en Pays nantais grâce au regroupement de ces trois grands bassins dans InterLoire, l’organisation représentative de la profession.

 

Un nouveau concept, le paysage de vin

La seule unité ligérienne (Liger, Loire en latin) qui existe est celle que confère aux Vins de Loire le salon du même nom qui se tient à Angers au début du mois de février chaque année. L’image Loire résulte d’un kaléidoscope composé de 70 appellations et d’au moins autant de vins de pays du Val de Loire, sans compter les ‘Nouveaux Vins de Table’, une catégorie qui n’a pas d’existence réglementaire et qui est pourtant riche de vins de vignerons qui jouent leur partie en dehors de l’appellation. La Loire est bien vivante, elle est même parfois exubérante, ce qui est la marque de sa vitalité, une vitalité qu’il faut étudier sous l’angle du pouvoir d’expression par la bouteille. Il existe de si jolis paysages du vin, au point d’être surpris par le nombre de professionnels ou d’amateurs qui gardent des bouteilles une fois qu’elles ont été bues. Chaque habillage est à sa façon un paysage du vin, un paysage bien réel puisqu’on peut le toucher, le caresser du doigt, le conserver en se rappelant les émotions comme autant de réminiscences de vin.

 

Pour suivre le chemin

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. Photos EP, Jo Pithon au Salon des Vins de Loire 2009