PM comme les petites maisons de vigne (04)
Ce mystérieux 04 indique que c’est le 4ème billet que je consacre aux petites maisons de toutes sortes. Le jeu étant de montrer la plus grande diversité possible, puisque le Ier article parle d’une station service en grande solitude la nuit, le second décrit les petites maisons de Hundertwasser, le 3è des toilettes sèches. Et maintenant, c’est le tour des maisons de vigne, de quelques-unes d’entre elles, bien sûr. Mon propos n’est pas d’en faire une étude large, même en me limitant à la Loire ou à une partie de celle-ci.
La maison de vigne a plusieurs caractéristiques que tout un chacun peut découvrir : c’est une vraie maison avec des murs, une porte et un toit. Ce n’est pas une cabane, ni a fortiori un cabanon, tous deux étant des « constructions rudimentaires faites avec des matériaux grossiers » selon la définition du Petit Larousse. C’est un peu rude pour les nouvelles cabanes qu’on achète toutes faites. Passons, nous ce sont les petites maisons qui nous intéressent.
Elles ne sont placées n’importe où. Parfois on les voit au milieu de la parcelle lorsque sa dimension le justifie, parfois alignées au bord du chemin bien souvent maintenant devenu route. Elles se protègent du vent du nord, pour s’ouvrir au sud, ou contre le vent d’ouest synonyme de pluie, pour regarder l’ouest. Il y a toujours un sens à leur disposition dans le paysage en fonction des vents, comme on vient de le voir, mais aussi de la déclivité du terrain, de la position du chemin et de la vue. Mais sans souci de ce que faisait le collègue voisin. C’est ainsi que deux vignerons choisissant d’ériger leur maison de chaque côté du chemin ne chercheront pas à s’aligner face à face, au contraire puisqu’ils pourraient se gêner avec la carriole.
La plus grande partie d’entre elles ne possèdent qu’une porte. Ce sont les plus petites. Ce qui compte, c’est leur fonctionnalité. Elles avaient pour usage de permettre à l’ouvrier agricole ou au vigneron d’y stocker tout ou presque tout ce qui était utile à la taille et à l’entretien de la vigne : outils, matériaux, comme des échalas, du fil de fer, pierres pour caler ceux-ci…Eventuellement elles servaient aussi d’abri en cas de forte averse ou pour y casser la croûte. En des temps pas si anciens que cela, certains y dormaient à la dur pour éviter de faire le chemin pour revenir le lendemain matin.
Les formes extérieures dépendaient des matériaux disponibles sur place. En Saumur-Champigny, à Bourgueil les plus belles utilisaient la pierre blanche tendre à extraire sur place et à tailler. En pays sancerrois, certaines maisons de vigne ont conservé leurs aspects extérieurs, avec une alliance très réussie entre la pierre blanche pour les coins et les encadrements de la porte et de la fenêtre, avec une toiture à double pente et la pierre noire ou foncée pour les murs. Seul le mur d’accès est ainsi travaillé. Les trois autres murs sont aveugles et souvent montés avec des pierres moins belles.
Il fallait le plus souvent faire au plus simple et privilégier l’aspect fonctionnel plus que la beauté extérieure, ce qui explique des toitures à une seule pente, sans charpente compliquée en dessous. C’est la raison aussi pour laquelle toutes les petites maisons de vignes ne sont pas belles. Certaines sont rudes d’aspect et/ou de protection.
La petite maison de vigne ne devait pas coûter cher. Elle était érigée souvent en été quand le vigneron a un peu de temps disponible, surtout avec l’allongement des jours. C’est en ces périodes aussi que les hommes s’entraidaient les uns les autres pour les opérations lourdes telles que la pose des pièces de la charpente. Toutes ces occasions donnant lieu également à des dégustations des vins de l’année précédente en attendant le vin nouveau.
Leurs dimensions sont extrêmement variables, vraiment très petites comme cette maison au toit de pierre en Saumur-Champigny, avec une surface intérieure qui doit avoisiner le mètre carré, à quatre mètres carrés environ pour la petite maison de Bourgueil ou celle qui porte le panonceau « Les vignes », ou beaucoup plus avec plusieurs étages comme cette maison implantée en terrain pentu qui possède un rez-de-chaussée mi-enterré, un premier étage accessible avec un escalier extérieur plein en pierres et un demi-grenier dans la partie la plus haute du toit. Remarquons que cette maison possède aussi une cheminée.
Outre la dimension et la noblesse des matériaux, la fenêtre est un élément important de distinction entre les petites maisons. Elle permet d’indiquer la volonté du vigneron de montrer à ses collègues et aux autres villageois sa fierté et sa réussite. Elle est une médaille que l’on s’offre à soi-même quand on estime que tant le travail fait que le vignoble méritent reconnaissance. La petite maison de vigne sait qu’elle exprime beaucoup plus que sa fonctionnalité ou sa beauté. Autant qu’une vigne bien tenue, elle est un langage non verbal que chacun est à même de comprendre.
La petite maison de Bourgueil, que j’ai en dessin sous les yeux, possède deux fenêtres, la seconde à l’étage avec un linteau ouvragé peu fréquent dans le vignoble. L’ensemble met en valeur l’avancée du toit et le pignon qui le termine. Sur ce coteau qui descend en pente douce vers la Loire, le vigneron propriétaire entendait bien montrer et sa réussite et son goût pour le raffinement. L’autre petite maison que l’on devine à droite sur le dessin est moins travaillée.
Ces petites maisons sont désormais répertoriées et protégées dans le cadre de la protection des paysages, tout particulièrement au titre du patrimoine mondial de l’Unesco. L’ouverture de circuit de découverte des petites maisons de vigne contribue aussi à leur mise en valeur. Elles n’en demeurent pas moins fragiles, tant l’état de certaines d’entre elles est préoccupant. Mais cela fait partie de leur charme évanescent. Elles sont un puissant diffuseur de rêves, tout autant que le cabanon de pêcheur à l’Ile de Ré ou la maison à marée dans le Golfe du Morbihan.
Certaines d’entre elles connaissent un nouvel usage, d’une façon jamais imaginée par leurs constructeurs. Elles servent de décor pour des pièces de théâtre. C’est ce qu’ont réalisé certains vignerons dans le vignoble de Saumur-Champigny pendant plusieurs années l’été à la tombée de la nuit. Imaginez une belle nuit d’été au Clos Cristal propriété de l’Hôpital de Saumur, entourés d’amis, au milieu des vignes où grésillent des petits bruits, à écouter des acteurs chanter et célébrer la vie… La petite maison du travail de la vigne est devenue une petite fabrique à rêve. Mais parfois aussi elle garde sa fonctionnalité d’abri en hébergeant les enfants qui attendent le car scolaire. C’est le cas à Rochefort sur Loire en Anjou.
. Référez-vous au « Vin aussi est affaire de femmes » dont je suis l'auteur (Cheminements éditeur), qui montre un certain nombre de petites maisons de vigne en dessin à la plume de France Poulain.
. Cherchez sur le net et vous trouverez par exemple :
http://veaugues.over-blog.com/article-autour-de-sancerre-54194210-comments.html
. Retrouvez les photos dans l'album "le Vin dans tous ses états".
Fadette 14/09/2010 10:13
Elisabeth Poulain 14/09/2010 10:38