L'image de la Ville et le rôle de la création marketing territorial
Ce billet répond à la question que m'a posée un universitaire en sciences humaines de savoir s’il existe vraiment une création lors de la mise en lumière d’une collectivité territoriale par une campagne de communication. C’est là une bonne et vraie question à laquelle il faut répondre, comme toujours avec beaucoup de mots si l’on veut apporter une réponse nuancée qui tient compte de la complexité de la démarche.
Il faut aussi tout de suite préciser le titre trop concis pour rentrer dans les 70 caractères. Le titre développé est le suivant : l’image de la ville et le rôle de la création identitaire par le marketing territorial. C’est dire qu’il va être question dans ce billet des liens entre l’image, l’identité et le marketing territorial vus sous l’aspect de la création. Il s’agit de valoriser l’image de la ville afin d’attirer les touristes et les investisseurs qui forment les principales cibles.
Elle repose sur une logique méthodologique si forte qu’elle a, ne l’oublions jamais, conquis le monde entier en 50 ans dans toutes les sphères de l’activité humaine. A ce niveau là, il ne s’agit plus d’être contre ou pour le marketing mais de comprendre comment il fonctionne pour en faire un usage optimal. J’emploie volontairement ce terme d’optimal pour situer tout de suite le niveau du raisonnement. Le marketing est un outil méthodologique qui a sa propre logique. C’est au client de s’assurer que le projet est bien calé en ce sens au regard des possibilités du marketing. De la même façon que c’est à lui de définir le plus précisément possible ce qu’il demande à l’agence de com. Une demande imprécise ou impossible quant aux résultats à obtenir complique singulièrement le travail de l’agence et fausse à l’avance la probabilité de chance de succès. Cette analyse du terrain est fondamentale au regard de la légitimité de la création qui va suivre.
Pour pouvoir faire des propositions constructives à son client, l’agence met en place une démarche globale de connaissance des forces et des faiblesses de la collectivité en relation avec la concurrence existante au moment de l’étude. Cette première approche se double d’une analyse prospective des opportunités et menaces existantes ou prévisibles. Cette première étape débouche ensuite sur la conception de différentes options de positionnements possibles pour la collectivité locale cliente. C’est toujours elle qui décide ce qu’elle considère être le positionnement le plus porteur pour elle, au regard des enjeux territoriaux. Dire ultérieurement qu’une campagne qui n’a pas marché relève de ‘la faute’ de l’agence ou que la com est ‘nulle’ n’a pas grand sens dans la mesure où l’agence travaille toujours en symbiose avec son partenaire-client et que c’est celui-ci qui a toujours le dernier mot.
Le choix du positionnement d’image par la collectivité territoriale constitue le moment charnière du processus puisqu’à partir du choix par le client, commence véritablement la partie pratique proprement dite d’application sur le terrain. Après avoir finement analysé la demande du client et la faisabilité du projet, l’agence commence à chercher sur le terrain ce qu’elle considère comme les matériaux utiles aux différentes propositions qu’elle va faire, tout en étudiant ce que font et ont fait les collectivités concurrentes. L’objectif est d’apporter un projet cohérent et nouveau à son client, sans copier ce qu’a fait la collectivité voisine. A cette fin, elle opère donc une sélection de l’information parmi des millions d’informations pour dégager une ébauche d’image originale de façon à se distinguer de la concurrence.
La récolte faite dans le sens défini au départ par l’équipe, l’agence va mixer la sélection des ‘matériaux’ composites et disparates nécessaires pour constituer le positionnement qui va permettre ensuite de préciser l’image souhaitée par le client comme correspondant à sa demande. Il y a là véritablement une création puisque le marketeur va rechercher partout, dans le passé, le présent, ici et là, les informations permettant d’habiller le projet défini jusqu’alors en mots.
Le positionnement se définit toujours par rapport aux cibles visées par la campagne de communication pour leur permettre de différencier le produit, ici la collectivité territoriale, de la concurrence. Il y a bien création d’une nouvelle image. Pour fonder la ‘légitimité’ et emporter l’adhésion au projet de l’ensemble des cibles, l’agence va fonder, greffer cette image sur ce qu’est le territoire. L’image doit pouvoir ‘coller’ au territoire. La question de l’identité est alors posée.
Il en va pour le marketing territorial, services ou produits, comme pour la tradition qui est une re-création continuelle consistant à chercher dans un passé proche ou lointain, connu ou voilé, ce qui nous est nécessaire pour vivre notre vie d’aujourd’hui et envisager plus sereinement un avenir proche. On sait bien que la quête et la vision de la tradition ont peu à voir avec la démarche de l’historien qui cherche à comprendre un évènement en le resituant dans son contexte. La tradition et le marketing font l’inverse du chercheur. Ils sont demandeurs d’informations sur des faits qui vont être inconsciemment ou volontairement dé-contextualisés afin justement de pouvoir les agréger d’une autre façon, pour devenir partie constituante d’un message nouveau porteur d’un sens propre à satisfaire le client.
Cette création à étages ne suffit pourtant pas à créer une nouvelle ‘vraie’ réalité, pour employer un tour de langage bien utile pour distinguer un projet créé intellectuellement de son application sur le terrain. Ce dernier terme est particulièrement bien adapté à la situation d’une collectivité territoriale. Le projet d’image conforté par la nouvelle vision identitaire doit pouvoir développer sur le terrain ses propres capacité d’ancrage sur des lignes de force existantes, visibles, invisibles ou latentes, en allant à la rencontre d’une demande. Si non, le risque existe d’une non-adhésion à ce qui a été décidé conjointement par la collectivité et l’agence par les cibles à attirer. Citons les décideurs, les investisseurs, les touristes, les habitants, ceux qui aspirent à travailler et vivre dans cette collectivité et … surtout la presse. Plus l’écart entre l’existant et la création est grand, plus le risque de non-adhésion du terrain est fort.
La création d’image à caractère identitaire est en effet un pari basé à la fois sur une démarche rationnelle, des pré-supposés et aussi beaucoup d’intuition. Comment serait-il possible en effet de garantir le changement attendu alors qu’une image est la résultante de milliers de facteurs, dont seuls quelques-uns sont modifiés, alors que les autres collectivités font la même démarche au même moment et que chacune attend que le changement espéré va lui être profitable à elle seule, en fonction de ses propres désirs. Et cela au moment où tout change, partout dans le monde, pour tous, mais pas de la même façon.
Comme la tradition recrée une réalité qui n’a peut-être jamais existé comme telle ou existé dans un autre cadre avec donc forcément une autre signification, le marketing territorial a la capacité, puisqu’il est conçu pour cela, de créer une nouvelle image, parce qu’il pré-suppose qu’il existe d’autres ‘réalités’ identitaires que celles qui sont toujours mises en avant. Et c’est comme ça que l’on passe non pas de l’identité qui donne lieu à une image mais à l’image qui doit pour pouvoir s’ancrer et trouver une légitimité à la nécessite de re-créer une identité crédible pour les cibles qui sont les destinataires de cette véritable création marketing à étages.
On en arrive aussi à l’opposition entre deux modes de raisonnement avec :
- la vision classique qui part de l’identité pour arriver à l’image : je suis et j’ai une ou des images,
- la création marketée qui est construite en partant de l’image pour ‘créer’ une vision identitaire à destination des cibles : je suis ce que je pense que vous voulez que je sois.
On voit bien que ce n’est pas la même chose et pourtant l’opposition n’est pas aussi franche qu’elle y paraît. En effet, si l’habit ne fait pas l’homme, il y contribue beaucoup. Il n’est que de voir la codification du vêtement au cours des siècles et particulièrement en France à la Cour du Roi à Versailles ou encore maintenant dans les congrégations religieuses et à l’armée.
Quant à la dimension marketée de l’image, elle est constante. « Mon image indique ma personnalité et mon humeur. Quand je m’habille de rouge par exemple, je me sens très tonique ». La plus grande liberté vestimentaire le vendredi annonce le week-end aux Etats-Unis. L’image a toujours été un indicateur fort en matière de communication non verbale.
Nous vivons une période de très forte mutation et cela en même temps dans le monde entier. Même dans des temps apparemment plus stables, la société est en perpétuelle modification sous l’effet de forces dont l’ampleur nous dépasse. L’évolution est perpétuelle. C’est un principe de base au cœur du règne du vivant.
A partir de ce postulat, qui peut dire que les « réalités » mises en lumière par les agences de communication ne sont pas pré-figuratrices de ce que sera demain parce que cela existe déjà maintenant mais que nous ne le voyons pas, peu ou mal ? Qui peut nier aussi la force bien réelle des univers virtuels véhiculés par le net ? Où se situe la frontière entre la réalité identitaire projetée et l’image identitaire créée ?
Sans oublier la démarche que l’on constate dans les régions très touristiques où les habitants et professionnels concernés vont de leur propre décision chercher à ressembler aux décors de cartes postales à la base du caractère identitaire de la région. Il en va ainsi en Bretagne, à l’Ile de Ré, en Alsace, en Provence…La création - identitaire ou de l'image - est devenue incorporation - identitaire ou de l'image - grâce à l’adhésion de tous.
. Ce billet s’inscrit dans le cadre d’une réflexion que j’ai commencée voici quelques mois sur le marketing territorial et la ville qui m’intéresse plus particulièrement. Il n’aborde pas la création de l’image ou plutôt des images qui vont constituer l’identité visuelle de la vie collective. Il ne détaille pas non plus les mots à créer qui vont conforter et ancrer l’image.
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