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Le Blog d'Elisabeth Poulain

Jose de San Martin ou l'art de concevoir la nouvelle frontière

13 Septembre 2010, 10:13am

Publié par Elisabeth Poulain

San Martin, Portrait, Casa, Boulogne sur mer, livre d'or

Ah encore un titre difficile ! Une des raisons en est que le thème de la frontière est particulièrement sensible en ce début du 3è millénaire. Une autre raison provient certainement de la notoriété si grande de cet homme  qui toute sa vie s’est joué des frontières tout en contribuant à en créer de nouvelles et en cherchant à pousser les siennes propres.  Ce que je vais tenter d’exprimer c’est la capacité d’un homme à vivre sans être arrêté par les frontières si nombreuses, fussent-elles physiques, politiques, linguistiques, culturelles ou personnelles…Des frontières qui ont été en leur temps symboles de libéralisation et d’indépendance face à un pouvoir central colonisateur éloigné appartenant à un autre système culturel.

 

  San Martin, Casa, Boulogne sur mer, petit escalier

Aperçu de la vie de José de San Martin

La vie de ce héros de la première moitié du XIXè siècle  s’est déroulée en un temps où, paradoxalement,  il était plus « facile » de choisir son pays de vie que maintenant. Un temps où les frontières, quand il y en avait, n’étaient pas aussi difficiles à traverser qu’à notre époque réputée pourtant pour une certaine liberté d’aller et de venir offerte pour la première fois à des millions d’hommes et de femmes dans l’histoire de l’humanité.  

L’emploi de la frontière au singulier.  

Je pourrais employer le pluriel pour désigner ces nombreuses frontières, sans compter celle qui individualise chacun d’entre nous de l’autre enfermé lui-même dans sa propre sphère. Je préfère pourtant employer le singulier pour bien marquer son importance et son actualité dans la longue vie de José de San Martin, que ses contemporains ont appelé « El Libertador » et qui  devenu le symbole de l’Argentine.  

Son enfance

José de San Martin est né dans le nord de l’Argentine,

 

San Martin, Casa, Boulogne sur mer, petit escalier

 

près du Paraguay, à Yapeyù, en 1778, 5è et dernier enfant d’une famille noble espagnole. Son père  était militaire. Trois ans après sa naissance, la famille déménagea à Buenos-Aires et quatre ans ensuite en Espagne. Agé de 7 ans, José faisait alors connaissance avec son troisième lieu  de vie et sa mère patrie. L’Espagne à cette époque était le pays de ses parents. C’était elle aussi qui dirigeait son empire américain à partir de Madrid. Mais le choc culturel dut être quand même rude, car cette même année, 1785, marqua aussi son entrée au Séminaire des Nobles. A la  fin de sa scolarité, à l’âge de 11 ans - il entra à l’armée.

 

Cette enfance, où on devient homme à onze ans, ne peut être neutre dans une vie. Elle explique peut être en partie l’importance que la vie de famille eut pour lui plus tard et ses liens si forts,  au décès de sa jeune épouse, avec leur fille et les petites filles de celle-ci. Son lieu de naissance, en terre guarani de missions des Jésuites, loin de la capitale et de son élite espagnole, eut également une incidence sur sa destinée. Lors de son ascension dans l’armée, ceux qu’il commençait à déranger l’affublèrent d’appellations négatives à leurs yeux, tels que el tape (Indien guarani), el indio, el paraguayo, el cholo (Indien Kolla), el mulato alors qu’il était créole, c’est à dire né dans les colonies.  

 

Sa carrière militaire en Europe 

En Espagne, il intégra l’armée et lutta contre les Français, les Anglais, les Portuguais, puis contre à nouveau les Français, avec Napoléon à leur tête. L’Espagne une fois devenue napoléonienne, le jeune militaire rejoignit l’armée britannique d’où il combattit à nouveau les Français. Il revint pour la première fois dans les Provinces Unies en 1812, dans une frégate anglaise, avec le grade de colonel. Cette même année, il décida également de se marier et de leur union naquit plus tard Merceditas. 

De retour dans le sud de l’Amérique latine

José de San Martin prit ensuite une part très active à la libération de l’Argentine qui devint indépendante en 1813 à la suite de la victoire de San Lorenzo. Il fut nommé général de l’Armée des Andes qu’il contribua à organiser. Les Provinces Unies du Sud acquirent leur indépendance en 1816. Deux ans furent nécessaires pour libérer le Chili qui prit son indépendance en 1818 à la suite de la victoire de Maipù. Trois ans après, avec son armée, à la suite de plusieurs tentatives manquées pSan Martin, Casa, Boulogne sur mer, lit de campour traverser à pied la Cordillère des Andes, il décida à rejoindre le port de Pisco  au Pérou par la mer. Ce fut l’élément décisif qui permit une  année plus tard en 1821 à José de San Martin de libérer Lima. Le général devient « Protecteur du Pérou ».

 

1822 marqua une rupture brutale dans son ascension militaire et politique après la rencontre avec Simon Bolivar. Les deux armées firent jonction en Equateur. Lors de leurs entretiens,  les deux libérateurs ne surent, ne purent aller au delà d’une profonde différenciation de la vision politique de l’avenir du continent latino-américain, entre le républicain Bolivar et le partisan d’une monarchie constitutionnelle que fut José de San Martin. 

Son second départ pour l’Europe

Il a alors 45 ans ; sa femme est décédée peu de temps auparavant. A ce moment de sa vie, il est Général des Provinces Unies du Rio de la Plata, Capitaine général de la République du Chili et Généralissime du Pérou. Il renonce à ses toutes ses fonctions militaires et civiles et décide de repartir en Europe. En 1824, il s’embarque pour Le Havre, avec sa fille Merceditas, avec très peu d’affaires personnelles. Il avait en effet donné son importante bibliothèque personnelle à la Bibliothèque nationale du Pérou qu’il créa  en 1821 lors de sa présidence du Pérou.

 

Sa vie en Europe

Commença alors pour lui, une vie d’errance entre Londres, Bruxelles puis Paris, avec sa fille, son gendre Mariano Balcarce et les deux petites filles du couple. Malgré son désir de prendre part à nouveau à la vie politique de son pays, l’Argentine et une tentative manquée en 1828, il ne fut jamais rappelé au gouvernement en raison de profondes rivalités sur place. Il décida alors de quitter Paris et s’installa à la campagne proche puis à Evry dans le quartier de Grand-Bourg pour rejoindre enfin la maison de Boulogne sur mer en mars 1848.  Il y décéda le 17 août 1850 entouré de sa fille, de son gendre et de ses petites filles qu’il aimait tendrement.  

Son dernier retour au pays natal

Malgré sa notoriété, malgré les services rendus, malgré sa demande expresse dans son testament que son cœur repose à Buenos Aires, il fallut à sa famille attendre presque 30 ans avant que ses cendres reviennent à la capitale argentine qu’il avait quittée en 1813 pour défendre les côtes du Parana. De 1850, date de son décès au 28 mai 1880, c’est d’abord la crypte de l’église Saint-Nicolas de Boulogne pendant onze ans qui accueillit ses cendres puis le caveau de la famille de son gendre Gonzales Balcarce à Brunoy dans la banlieue parisienne.    

 

Son mausolée est érigé dans une chapelle de la cathédrale du XVIIIè siècle de Buenos Aires. 70 000 personnes accompagnèrent le cortège jusqu’à sa destination finale. Don José Francisco de San Martin avait enfin retrouvé son peuple et franchit l’avant-dernière frontière. Ce sont maintenant les chercheurs en histoire qui poursuivent leur travail d’approfondissement de sa vie et de son oeuvre , comme le Cercle historique San Martin, dont le siège est à la Casa San Martin, au 113 de la Grande Rue de Boulogne sur Mer.  

Sa maison en terre française

L’Etat argentin s’en fit l’acquéreur en avril San Martin, Casa, Boulogne sur mer, plaques sur le mur1926 dés lors qu’une souscription publique auprès des écoles d’Argentine permit d’en réunir les 400 000 francs demandés par le propriétaire. C’est là qu’a été érigé un musée qui s’étend désormais du rez-de-chaussée au second étage inclus.  

La casa San Martin

C’est ainsi que s’appelle cette maison devenue musée. Au fil des salles, ont été réunis ou ont été rapportés des objets ayant appartenu au Général,  l’atmosphère se faisant plus intime au fil des étages :

- au rez-de-chaussée, de part et d’autre du couloir d’entrée, la bibliothèque à gauche et une salle de réunion à droite avec des portraits du grand homme, son portrait officiel, un uniforme de son célèbre régiment des Grenadiers, une malle qui transportait ses affaires. Un grand hall en arrière permet d’attirer le soleil et au jardin et d’accéder à l’escalier d’honneur qui mène au premier étage ;       

- au premier étage face à la rue, des pièces de travail qui présentent des documents officiels, une petite pièce avec une grande carte en relief de la Cordillère des Andes, une autre très petite qui contient son lit-malle, un lit de camp qui se replie dans une malle. C’est avec elle qu’il mena toutes ses campagnes dans le sud de l’Amérique latine …

- au second, les deux chambres, l’une à gauche pour le général et la plus grande à droite pour sa fille…Des dessins des petites filles pour leur grand-père ont été remis au mur… 

Le jardin

San Martin, Casa, Boulogne sur mer, jardin

 

A l’arrière de la maison, un petit jardin conservé en l’état, entre les hauts murs des maisons voisines, abrite sur le mur mitoyen face à la porte qui permet d’entrer dans la maison des plaques d’hommage au grand homme. Le jardin se prolonge un peu en hauteur par des parterres de fleurs aux bordures repeintes en blanc qui créent une atmosphère hors du temps où le recueillement s’impose.  

La statue

Elle est érigée plus près de la mer. C’est une œuvre monumentale d’une hauteur peu commune de 8,70 mètres de haut que réalisa le sculpteur Henri Allouard en « hommage adressé par la République d’Argentine à son libérateur ». Cet été 2010 marque le 100è anniversaire de ce monument qui fut également payée par souscription publique.  

 

La frontière

Quant au nombre de frontières traversées, j’ai renoncé à les compter, tellement il y en eut. C’est peut être aussi à cause de cela qu’elles comptèrent tant pour José de San Martin, en lui offrant le goût de la quête, de l’inconnu et de la remise en question.  

Pour suivre le chemin San Martin, Casa, Boulogne sur mer, M. Marco Tapia Parra

. Le Musée est situé au n° 113 Grande Rue, Boulogne sur Mer, 03 21 31 54 65, jours et heures d’ouverture : du mardi au samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h. Il est une halte désormais quasi-naturelle pour les Argentins qui viennent découvrir ou vivre en Europe.

 

Le livre d’or témoigne de la ferveur et de l’attachement des visiteurs au Père de leur Patrie, qui préféra renoncer au pouvoir et choisit de vivre modestement dans cette maison.       

 

. Pour plus d’informations, adressez-vous au conservateur du Musée, M. Marco Tapia Parra ci-dessus:

http://ambassadeargentine.net/museosanmartin.html

 

. Ce billet résulte d’une visite faite pendant cet été à Boulogne sur mer au dernier domicile du Général José de San Martin. L’accueil que nous fit M. M. Tapia Parra fut particulièrement chaleureux. Il éclaira par ses commentaires très éclairés cette visite émouvante de la dernière demeure d’une grande simplicité d’un grand humaniste. Nous tenons à l’en remercier, ainsi qu’à le féliciter pour la qualité de

son français.

San Martin, Casa, Boulogne sur mer, uniforme Régiment des Grenadiers

. Sur la présence à Boulogne du général, lire la plaquette très documentée dans la série « Laissez-vous conter, Le général San Martin à Boulogne » réalisé par le service  de l’architecture et du patrimoine, Villa Huguet, 115 bvd Eurvin, 62200 Boulogne sur Mer, 03 91 90 02 95, patrimoine@ville-boulogne-sur-mer.fr   

 

. Le Cercle historique San Martin peut être joint à l’adresse du musée. Il a édité une plaquette qui cite les dates les plus importantes de la vie du général.   

 

. On trouve relativement peu d’informations sur le Net, contrairement à ce qu’on pourrait attendre de la notoriété de cet homme hors du commun. Une étude assez détaillée sur la vie du général figure bien dans Wikipedia. La source semble être une biographie en espagnol. Mais en l’absence de cartes et de rappels historiques complémentaires, la partie militaire est très difficile à suivre pour des Français, peut-être aussi en raison de la complexité de la situation au XIXè siècle. http://fr.wikipedia.org/wiki/Jos%C3%A9_de_San_Mart%C3%AD

. Lire aussi un texte très court, avec des photos, sur l’histoire de San Martin  de « Colette » sur

http://www.french-chat.com/forum/viewtopic.php?p=16071&sid=5d97cb5923cf3d939ec11d01e58b03d2

 

. Une dernière remarque enfin : ce texte n’est pas autorisé par qui que ce soit ; il n’a pas non plus de légitimité historique. Il y a peut-être des erreurs historiques, ce dont je prie le lecteur de m’excuser. Que celui-ci ait la gentillesse de m'en informer. C’est d’autant plus vraisemblable que je n’ai pas pu prendre de notes au cours de la visite, moi qui ai toujours du papier et un crayon pour ce faire. Ce jour là, je n’en avais pas et j’ai choisi d’écouter M. Marco Tapia Parra, regarder le décor et m’imprégner de l’atmosphère. Ce billet est le résultat des impressions que j’ai ressenties  à la suite de cette visite en l’été 2010 et de mon intérêt très personnel pour l’Amérique latine, les frontières, les jardins…

. Photos EP lors de la visite, à voir dans l'album "Symboles".    

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