Bibendum, le sympathique Bonhomme Michelin continue à tracer sa route
C’est même un des seuls qui vous conseille de faire comme lui, s’équiper de pneus Michelin pour pouvoir « boire » les obstacles de la route, bibendum signifiant « qui est train de boire » en bonne langue latine. Le bonhomme continue à bien tracer sa route en raison de sa forte notoriété malgré tous ses liftings de rajeunissement. On ne se pose pas la question de savoir s’il est sympa ou pas. Il l’est sans discussion.
Il fait à ce point partie du décor, qu’il est de droit de droit associé à la route et au plaisir de conduire en toute sécurité. D’autres grandes marques lancent régulièrement de grandes campagnes d’affichage pour soutenir la marque et relancer les ventes, le CA évoluant normalement à la hausse quand tout va bien selon l’adage « à bonne pub, bonnes ventes ». C’est bien sûr aussi vrai avec Michelin mais d’une façon un peu différente, comme si, quoique fasse l’entreprise en matière de pub, ou presque en cherchant toujours faire de la belle ouvrage, tout ira bien parce que le Bonhomme est là. Un peu à la façon d’un porte-bonheur qu’on cajole encore plus qu’un autre symbole de publicité.
Il est vrai aussi qu’il y a beaucoup de travail en amont pour qu’il garde toujours et même de plus en plus son air naturellement sympa. C’est même une des particularités de l’histoire du bonhomme, d’être de plus en convivial, ouvert, gentil, aimable et qui donne confiance. Je ne vais pas aujourd’hui vous retracer toute son histoire mais seulement vous montrer tout ce qu’il est capable de faire depuis que la marque a voulu dignement fêter son centenaire en 1998. Pour passer ce cap hautement symbolique et annoncer en même temps le passage du millénaire, Michelin a fait les choses en grand avec l’aide de l’agence de communication, Carré noir, pour un rajeunissement complet du personnage, de l’identité visuelle de la marque et ce, pour des dizaines de milliers de produits différents dans les quelques 170 pays dans lesquels ses produits sont distribués.
C’est le dessinateur O’Galop qui avait été choisi au départ pour inventer un personnage constitué de pneus de faibles dimensions un peu plus larges toutefois que ceux des vélos d’aujourd’hui. La profonde originalité venait de ce que tout le personnage était en pneu, visage y compris. Pour pousser l’anthropomorphisme, les deux affiches de 1905 et de 1913 étaient très patriotiques. La première faisait aux Anglais le coup de la semelle Michelin, un procédé de la boxe française par différence avec la boxe anglaise et la seconde montrait de chaque côté de Bibendum des convives verts-gris de rage face au héros qui souhaite « A votre santé » avec le slogan de la marque « Le pneu Michelin boit l’obstacle ». Insensiblement, les pneus sont devenus plus larges afin de convenir aux voitures et l’entreprise a continué à communiquer par affiche aussi bien pour l’auto que pour le vélo n’hésitant jamais à confier la réalisation de ses affiches à des grands artistes même pendant la guerre de 1914-1918.
La saga s’est enrichie pendant toute la suite du XXe siècle grâce à Savignac par exemple en 1965. A l’époque, le bonhomme ne fumait déjà plus ses gros cigares et sa pratique du vélo était un lointain souvenir. Il avait déjà minci et était devenu noir dans une Ière version puis très vite redevenu blanc et pas comme un vrai pneu, de façon aussi à faire ressortir ses yeux sous la pancarte X As en caractères rouges ou noirs sur fond blanc selon les versions. Sous l’effort de soulever la pancarte, trois ou quatre de ses « boudins du ventre » reprenaient forme de vrais pneus et partaient vers l’avant. Mais la plus grosse mutation portait sur la disparition de tout véhicule. Michelin est Michelin, il n’est plus nécessaire de montrer une voiture, ce qui aurait pu constituer une gêne pour la vente à l’international.
L’international, le grand mot est lâché. Le bonhomme allait devoir parler autant au cœur d’usagers à cultures différentes. Son re-looking et celui du code graphique de la marque sont dus essentiellement à cette obligation d’adaptation multi-culturelle. La démarche a été longue ; elle a engagée toute l’entreprise, la maison-mère et ses filiales. Le maître-mot du siège était de garder et d’accentuer au bonhomme son caractère « friendly », une absolue nécessité en Asie en particulier. Cela l’est déjà naturellement aux Etats-Unis, avec cette question qui fonde les relations entre une entreprise et ces clients « que puis-je faire pour vous ? », «Comment puis-je vous aider ? ». Pour cela, un impératif, devenir plus mince tout en gardant sa rondeur bonhomme, les gros n’étant plus les symboles de la réussite sociale comme ils l’étaient au début du siècle précédent, tout comme le cigare et le repas plantureux.
Ma trilogie des années 2000, qui ont en fait commencé en 1998, avec l’arrivée du Bonhomme Michelin du XXIe siècle, provient d’un dépouillement de quatre années de l’Essentiel du Management et du Moci (Le Moniteur du Commerce International). La pêche se réduit à trois visuels.
. Bibendum est un grand sportif. Il joue au foot dans un dessin très « punchy » où notre héros déploie l’ampleur de ses talents sportifs. Michelin est en effet « pneu oficial da copa do mundo de 1998 ».
. Bibendum fait de l’humour. Il se cache derrière une grosse balle ronde de paille. On le voit à peine. Pour être sûr que les lecteurs de l’Essentiel du Management vont quand même le voir et surtout comprendre ce qu’il veut nous dire, il tient une pancarte « C’est par là ». Il nous montre la route d’un air lutin pour nous vanter « ViaMichelin Business Services. »
. Voilà le bonhomme dans son univers de références. Il pose comme la star qu’il est vraiment les bras croisés, devant son mur de trophées où sont accrochées quelques-unes de ses plus belles photos de tout ce qui roule quatre ou deux roues, avion, voiture, vélo, gros engin de travaux publics et même un avion… C’est une publicité de Michelin Sati Algérie qui est filiale du groupe qui produit sur place.
Le visuel est intéressant pour une autre raison. Le personnage a maintenant une autre densité. Sa texture a changé. On n’a plus l’impression de voir un dessin comme dans les deux précédents visuels, mais un bonhomme en plastique plein. L’impression ressentie est différente qui renforce sa présence. Sa bouche n’est plus surlignée de noir, ce qui attire encore plus l’attention sur les yeux. Cette nouvelle représentation existe maintenant également en grosse structure gonflable qui s’agite au vent. Et le bonhomme continue sa route, toujours prêt pour une nouvelle aventure…C'est tout juste s'il ne vous fait pas de l'oeil en vous saluant au passage quand il y a du vent!
Pour suivre le chemin de la saga Michelin
http://www.michelin.com/corporate/FR/le-groupe/bibendum http://fr.wikipedia.org/wiki/Michelin
. Lire le dossier bien documenté de Roger Alexandre dans l’Essentiel du Management, avril 1998.
. Vous référer à l’excellent « Les 100 plus belles images du pneu » de Daniel Bordet et Jacques Dreux qui est l’incontournable ouvrage de référence en matière de publicités anciennes sur les pneumatiques, Continental 2003.
. Toujour aussi "150 ans de publicité"de Réjane Bargiel, une sélection des collections du Musée de la Publicité., ainsi que le catalogue de Salorges Enchères, Kaczorowski, Derigny & Associés pour tous les objets publicitaires http://www.interencheres.com/44001
. Photos à retrouver dans l'album "Personnes, Personnages..2"