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Le Blog d'Elisabeth Poulain

Art + Architecture = HBV (habillage de la Bouteille de Vin)

24 Décembre 2007, 16:43pm

Publié par Elisabeth Poulain

Actuellement la transparence est certainement une des tendances puissantes de l’innovation en matière de représentation. Dans le billet précédent sorti sur le blog (Art + Dentelle + Broderie et habillage de la bouteille de vin), j’ai dégagé l’hypothèse que la transparence est le rapport entre la sensorialité d’un objet ou d’une création artistique et la capacité de l’imaginaire à voir et à se projeter dedans. C’était mieux dit que ça, mais l’idée y est.
 
La Tour du New York Times
J’ai frémi de plaisir quand j’ai trouvé dans Le Monde2 les mots qui tournent dans ma tête depuis plusieurs mois. Ces mots sont ceux de Renzo Piano, architecte, petits-fils et fils d’architecte, italien né à Gênes et doté d’une forte culture latine humaniste. Il conçoit partout dans le monde à Tokyo, Atlanta, Tahiti, Rome, Paris…des grandes structures de vie et de travail au service des oeuvres de l’esprit comme des bibliothèques, des galeries d’art, des musées, le Centre Beaubourg et Jean Marie Tibaou…Il aménage des places et édifie des immeubles, comme La Maison Hermès à Tokyo ou la nouvelle Tour du New York Times à New York forcément. En point commun, une volonté très forte de dire des choses directement sans détour, ce qui va avoir pour conséquence d’être compris partout puisqu’il met toute sa force de création à se fondre à sa façon le plus intimement possible dans le site, dans la ville. Pour cela il a un secret, en dehors d’une capacité étonnante à générer de la valeur et du sens.
 
Ses objectifs de départ : la réduction de la dépense d’énergie en Ier et la transparence en second pour un immeuble de 52 étages, s’élevant à 228 m de haut + 100 m d’antenne, situé dans la 8ème rue, face à la grande gare routière de Manhattan par laquelle passent 1,5m. de voyageurs/jour. La transparence est son second secret. L’immeuble est revêtu d’une parure de lames horizontales en céramique extrudée de façon à jouer avec la lumière qui change selon l’heure du jour et de la nuit, selon les saisons et le temps qu’il fait. On pourrait presque imaginer aussi selon l’humeur de ceux qui y travaillent et qui y viennent, tellement le projet a été conçu autour du cœur éditorial du journal.  
 
Ecoutez ses mots prononcés lors de l’interview faite au moment de l’inauguration de l’immeuble le 20.11.2007:
-    La première étincelle de culture, c’est de     rendre les gens curieux.
-        Légèreté et transparence ne sont pas une formule académique mais la mission du projet dans la cité… en italien, citta et civilta, ville et civilisation ont la même racine comme en français.
-        L’amour de la légèreté, cette attraction fatale… Pour moi, c’est le début d’un langage : essayer de mettre de l’air dans le bâtiment et faire voler les choses. 
-       Je me méfie des constantes…Je refuse le style en tant que griffe pour se faire connaître. Si je devais enseigner quelque chose, ce serait le goût de la liberté.
-        Le jour où j’ai présenté les esquisses, j’avais déjà le prototype de cette baguette de céramique qui habille la tour et va vibrer avec la lumière.   
 
 
La Bouteille de Vin 
Il ne s’agit pas de comparer une tour de 328m de haut avec une bouteille de 29,8cm (bourguignonne 75cl), 32, 4 (Muscadet 75,6) et 34,6 (italienne haute 50cl). Il s’agit de voir les points de ressemblance entre ces volumes, l’un en céramique et verre et l’autre en verre, qui abritent l’un des hommes et des femmes et l’autre du vin qui est le fruit du travail des hommes et des femmes. La transparence qui a guidé l’architecte est aussi au cœur de la recherche concernant l’habillage de la bouteille de vin, le Ier en partant de ceux qui travaillent au journal, les autres en partant du vin qui est vivant.
 
La bouteille est posée sur une table. Elle n’est pas ancrée dans le sol et pourtant elle aussi a un prolongement vers ce qui ne se voit pas. Certaines bouteilles ont une assise si lourde qu’elles donnent l’impression de se prolonger par en dessous. D’autres au contraire s’élancent en hauteur et pousse le regard à chercher le point de fuite au-dessus en hauteur. Dans ces cas là, ce sont les formes, les proportions et la ligne qui comptent. Comme une forme de jeu à trois entre la bouteille, celui qui regarde et l’environnement de la bouteille. Quand certains évoquent la belle nappe blanche sur laquelle poser la bouteille haute très haute, comme Paul Buisse de Montrichard pour un Touraine Sauvignon avec une petite étiquette fine graphique blanche, grise et noire haut placée, ils pensent plus en terme de vision globale qu’en terme de décoration, même si l’accord entre le vin, la bouteille, les mets et la table comptent beaucoup. On boit avec ses yeux, on mange tout autant avec ses yeux, pas à la place mais avant et on garde le souvenir qui nourrit l’imaginaire. La bouteille peut être cette étincelle de culture. 
 
La bouteille est un volume habité. Comme pour la tour, l’œil volète autour et dans la bouteille, comme s’il pouvait voir l’invisible au cœur de la bouteille, A la recherche des messages que la bouteille émet en langue des signes. Et c’est là que la main aide à voir : c’est une différence avec la tour. La bouteille est à la taille de la main qui aide l’œil à voir. En cherchant à voir ce qui est dedans, le geste premier est de saisir la bouteille pour voir en arrière par un mouvement circulaire. Voir devant et derrière, c’est voir dedans.
 
La légèreté dont parle Renzo Piano, est fonction de l’air et du mouvement et tous trois sont tout à fait applicables à la bouteille. La vibration avec la lumière aussi, surtout quand on se rappelle que la bouteille est en verre. Certes chacun fait la différence entre un verre naturellement brillant, un verre satiné, un verre en relief qui va accrocher le regard ; on connaît aussi le jeu des différentes courbures face à la lumière. Les photographes spécialisés dans la bouteille (très difficile à prendre) arrivent à créer un imaginaire incroyablement fort en jouant sur ces trois éléments : une bouteille, une atmosphère et une lumière.   Mais on ne sait que peu encore jouer sur la brillance de ce matériau. Certains ont sauté le pas, comme Pierre Chainier d’Amboise avec une bouteille à 10 facettes pour un Vouvray Chenin Blanc qui est une véritable réussite. Elle franchit avec brio les trois obstacles que sont la transition du fond de la bouteille avec l’amorce des facettes, le passage inverse au départ du col vers le haut et surtout la décision de ne pas laisser de surface plane pour l’étiquette. La transparence légère du verre contribue évidemment à l’effet lumière mais n’est pas Ier. C’est le concept même de la bouteille qui prédomine. L’étiquette est taillée en forme de diamant.   
 
La légèreté et la transparence ne sont pas l’apanage de la bouteille mais aussi des pièces de habillage qui vont modifier l’équilibre de la bouteille et ses rapports avec son environnement. L’étiquette peut donner cette impression. Quand on sait que 80% et + des vignerons, négociants et coopérateurs évoquent d’eux-mêmes la volonté d’avoir une étiquette sobre et élégante, épurée et élégante… on conçoit la force de ce besoin d’allègement. La transparence est une réponse à ce sentiment qu’il faut émettre quelque chose autrement. C’est ce que fait aussi Patrice Monmousseau avec une de ses dernières créations « zéro » par Bouvet Ladubay, un Saumur extra brut sans adjonction de liqueur de dosage : la petite étiquette ovale métallisée renvoie le regard vers la bague aux armes de BL sur le col de la bouteille noire et argent et la date 1851. L’équilibre de la bouteille classique pour les vins à bulles s’en trouve modifiée et la perception tend vers plus de légèreté et curieusement de force, comme si on avait enlevé du superflu.
 
La transparence dans ces exemples s’appuie sur la lumière qui oblige l’œil à regarder autrement, en provoquant cette fameuse étincelle de curiosité qui est le début d’une aventure et d’une rencontre, placée sous le signe de la liberté, entre un vin dans un verre et vous.
 
Pour poursuivre le chemin
-        Le Monde, www.lemonde.fr/web/article
-        Renzo Piano, www.rpbw.com
-        Paul Buisse, Montrichard, 02 54 32 00 01, www.paul-buisse.com
-        Pierre Chainier, Amboise, 02 47 307 307, www.pierrechainier.com

       -       Bouvet-Ladubay, Saumur, 02 41 83 83 83, www.bouvet-ladubay.fr      

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